Poème administratif

Théo Deliyannis

job

le vieux rêve de la london filmmaker’s coop : changer de salariés tous les ans
l’état français l’a fait, il l’a nommé le pec, le parcours emploi compétence, valable un an,
après, direction poubelle pôle emploi lorsque tu as plus de 26 ans ou que tu habites juste en face de la zone prioritaire de la ville
moins de 26 ans, c’est pas grand chose, tu sors à peine de l’école, tu apprends tout juste à faire la différence entre le cinéma expérimental, différent, marginal et sauvage, et pourtant, tu dois travailler car c’est le moment ou jamais

la méthode london filmmaker coop est intéressante : en changeant souvent d’employés, il n’y a pas de situation de monopole ni de spécialisation qui se crée
le discours n’est pas simple à tenir lorsque la précarité est là, partout, mais il faut bien résister au salariat-roi (c’est un salarié qui parle), donner un peu de place à celles et ceux qui n’ont pas du tout envie d’être payés par le cjc et qui ont plus ou moins de 26 ans ou ne sont pas ressortissants de prison

parfois on dit : en changeant de salariés, tout est à refaire, et en refaisant, on a l’impression de ne pas avancer : de stagner
pourquoi pas, mais ne pas stagner, c’est aller où ?
j’y vois autre chose : tout est à refaire à chaque changement, oui, et bien tant mieux : le cjc se réinvente à chaque fois, trouve d’autres méthodes propres aux personnes salariées. des groupes de cinéastes se constituent, par affinités, auprès de ces salariés
si l’on fait l’histoire du cjc, il est assez facile d’y déceler les périodes propres aux contrats de chacun et chacunes
il y a tout de même un tas de choses qui restent entre chaque employé — les papiers, le matériel, et surtout les membres

– théo deliyannis

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