Une relation de pouvoir s’articule sur deux éléments qui lui sont indispensables pour être justement une relation de pouvoir que “l’autre” (celui sur lequel elle s’exerce) soit bien reconnu et maintenu jusqu’au bout comme sujet d’action ; et que s’ouvre, devant la relation de pouvoir, tout un champ de réponses, réactions, effets, inventions possibles.
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Michel Foucault
Relations de pouvoir est un programme de films et vidéos allant des années 1980 à nos jours, réalisés par des artistes finlandaises et travaillant des questions de genre, post-coloniales, ou encore ayant trait au female gaze.
Le programme débute avec Haarband, une vidéo-performance de Mervi Kytösalmi, une pionnière de l’art vidéo en Finlande. Dans Haarband, Kytösalmi se cadre elle-même en plan moyen, tourne sa tête de gauche à droite de manière répétitive, frénétique et quasi violente, se transformant en un métronome humain au rythme d’une chanson pop japonaise. La chorégraphie, précise et minimale, peut aussi être vue comme la mise en place d’un espace subjectif protégé, qui dure le temps de la chanson. La vidéo suivante, La Tour Eiffel de Rosa Liksom, est une fantaisie punk-féministe. Une voix-off nous informe qu’une femme occupe le « phallus de Paris » — la Tour Eiffel se remplissant à la fin de toute la société féminine. Un autre travail, Freaky Crew, de la même artiste, est une collaboration avec un collectif de mode carnavalesque, Plastic Pony. Leur message sert à questionner, de façon ludique, l’idée du genre, de façon à ce que de nouvelles identités puissent se former.
Wanted de Milla Moilanen nous ramène dans le sombre passé des recherches scientifiques. Dans cette vidéo obsédante, Moilanen utilise les célèbres archives de l’Institut National Suédois pour la Biologie Raciale, fondé en 1922 à l’Université d’Uppsala. Le peuple nomade Sámi, habitant la région nord de la Scandinavie, de la Finlande et d’une partie de la Russie, a été catégorisé comme race inférieure. Leurs squelettes et leurs os ont été gardés dans la collection de l’Institut. Il n’y a pas besoin de préciser que ces recherches n’étaient que du racisme déguisé, tristement commun en son temps.
Dans Power de Salla Tykkä, une jeune femme, poitrine nue, entre sur un ring de boxe pour combattre avec un boxeur bien plus épais qu’elle. Ce travail particulièrement physique est plus qu’une métaphore de la compétition et de la lutte dans la société, où les femmes ont encore à faire bien plus que les hommes pour survivre. The Edge de Mox Mäkelä est une histoire d’attention et de confiance entre deux femmes, dont l’une se sent constamment au bord du gouffre. L’aspect visuel du travail nous rend une présence tangible, calme et haptique. Les personnages elles-mêmes sont absentes, donnant ainsi de l’espace au spectateur pour penser ce travail.
Le thème des cheveux revient dans la vidéo Venus de Hinni Huttunen. Ce travail vise à reprendre le pouvoir de la figure objectifiée d’une femme, telle celle qui se peigne les cheveux dans la célèbre toile de Edgar Degas, La Toilette. Dans ce tableau, nous voyons uniquement le dos d’une femme, là où Huttunen nous regarde face caméra tout en se peignant violemment les cheveux.
Pour la fin de ce programme nous revenons à Sàpmi, la terre ancestrale de Sàmi (ou Saami en finnois), ce peuple habitant le nord de la Scandinavie. Govadas de Elina Oikari est un carnet de voyage personnel, s’attristant du destin de ce peuple tout autant que de l’environnement du nord de la Finlande, où l’extraction de ressources naturelles a conduit à la destruction de la nature par les états nordiques et les compagnies industrielles issues du capitalisme mondialisé. Dans Dolastallat, Marja Helander voyage aussi dans les ruines désertées de cette industrialisation, mais son approche inclut aussi des points de vue post-coloniaux et post-modernes. Ayant elle-même des origines Sàmi, Helander relativise la question du retour à une pureté originelle, en nous montrant comment la culture nomadique des Sàmi s’est aussi adaptée aux outils technologiques de la culture mainstream. Une certaine tendresse et une nostalgie demeurent dans la place que tient l’animal empaillé, comme un écho d’anciens rituels pratiqués dans le passé.
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Kari Yli-Annala