Nous vivons l’époque de la destruction du monde. Devant cet état de fait, différentes attitudes se présentent. D’abord, le cynisme de la rationalité instrumentale : s’enrichir ne permet pas d’autre choix, et de toute façon ces prédictions sont trop alarmistes ; des solutions ponctuelles seront trouvées en temps voulu. C’est la position des idéologues qui gravitent autour des chefs d’État de la plupart des pays dominants ainsi que ceux des pays émergeants qui suivent leurs modèles. À l’opposé, se trouve l’engagement militant de structures comme Greenpeace : l’interventionnisme écologiste couplé à une stratégie d’information sur des cas précis. Bien qu’absolument respectable, ce positionnement semble plutôt fragile ; il est sans doute déjà trop tard pour que puissent encore se produire des effets vraiment efficaces. La pulsion entropique qui transforme le milieu laisse de moins en moins d’espace pour des entreprises néguentropiques.
La performance que j’ai intitulée Global Garbage’s Utopian Mind Station s’inscrit dans une autre vision de la situation. Ce n’est pas une attitude de résignation vaine, c’est une position poétique qui prend en compte l’aspect existentiel : dans la logique de l’expansion économique, le devenir-déchet frappe autant les êtres vivants, les humains comme les animaux et les végétaux, que les artefacts ; la proportion a même tendance à s’accroître et la frontière se fait de plus en plus floue entre les objets et les êtres ; dans la relation à autrui, la réification et le rejet prennent des proportions considérables. Nous vivons notre propre appauvrissement en tant qu’être à travers le dépérissement de la faune (plus de la moitié des vertébrés ont disparu depuis quarante ans) et la disparition de la végétation (une déforestation massive principalement dans les zones tropicales et équatoriales). Quiconque ressent fortement cette métamorphose ne peut que refuser d’accepter un monde de substitution, une réalité virtuelle et augmentée proposée comme alternative unique à l’avènement d’un monde diminué. Dans GGUMS, l’expression de ce rejet passe par la forme de l’élégie : une longue plainte qui transforme le deuil en œuvre de mémoire : ne jamais oublier qu’un tel monde a existé. Le concept d’anthropocène est désormais accepté comme une réalité historique et la dystopie qu’il implique semble bien inéluctable. Dans un futur très proche, quand l’écosystème planétaire aura été entièrement saccagé, il ne restera plus qu’une poubelle globale sur laquelle chacun s’efforcera de glaner sa subsistance.
GGUMS est une performance qui intègre plusieurs types de projection et de régime d’images depuis les productions de l’industrie culturelle jusqu’aux usages privés (Marc Plas), des manipulations du signal vidéo en direct (Joris Guibert) et des interventions sonores (Emmanuel Ferrand, Harold Schellinx, Mitsuaki Matsumoto, Gisèle Pape, Joris Guibert, Hector Castells et Arno Bisselbach) qui établissent leur espace propre, distinct de celui des images.
- Marc Plas